Olivier ROBIN

Olivier ROBIN
Quand douleur et fonction s’emmèlent: la dysesthésie occlusale


 

Quel praticien n’a jamais été confronté à des patients qui se plaignent de façon récurrente et quasi-obsessionnelle d’une modification de leur occlusion, suite à des restaurations dentaires souvent minimes ? 

Décrite pour la première fois en 1976 par Marbach sous le terme de « phantom bite », la dysesthésie occlusale (DO) peut être définie comme une altération de la perception occlusale, persistante depuis au moins 6 mois, en l’absence d’anomalies occlusales évidentes et avec une association fréquente de désordres psychiatriques (anxiété, hypocondrie, dépression, somatisation).

Les mécanismes étiologiques de la DO ne sont pas connus. Les différentes hypothèses peuvent être classées en deux catégories, selon qu’elles fassent intervenir un dysfonctionnement neurophysiologique ou un désordre psychiatrique.

Les hypothèses « neurophysiologiques » impliquent, soit une hypersensibilité des mécanorécepteurs desmodontaux (mécanisme périphérique), soit une altération de la neuroplasticité du cortex somesthésique (mécanisme central), empêchant le patient de se réadapter à de nouvelles conditions occlusales. 

Les hypothèses « psychiatriques » suggèrent que la DO serait le symptôme d’un véritable désordre psychiatrique, évoquant un trouble obsessionnel compulsif (TOC). Les TOC sont en effet considérés comme une forme de trouble anxieux sévère caractérisé par le développement de deux types de symptômes : les obsessions (focalisation obsessionnelle sur l’occlusion dans le cas de la DO) et les compulsions (besoin impérieux de vérifier l’occlusion en permanence dans le cas de la DO).

La prise en charge doit être graduée en fonction de la sévérité des symptômes : abstention de toute nouvelle intervention sur l’occlusion, convaincre le patient que son problème ne réside pas dans une correction de son occlusion, rééducation comportementale visant à supprimer tout réflexe de serrement, prise en charge psychologique (TCC), prescription d’antidépresseurs sérotoninergiques pour leur effet antiobsessionnel.

La dysesthésie occlusale est un symptôme qui doit être connu des praticiens, afin de ne pas se laisser entraîner dans une spirale de surtraitements occlusaux voués à l’échec.

Toute demande insistante et récurrente de retouches occlusales par le patient doit alerter le praticien, d’autant que celui-ci est généralement convaincu de leur inutilité.

Références : 

Hara ES, Matsuka Y, Minakuchi H, Clark GT, Kuboki T. Occlusal dysesthesia: a qualitative systematic review of the epidemiology, aetiology and management. J Oral Rehabil 2012, 39: 630 – 638.

Imhoff B et al. Occlusal dysesthesia – A clinical guideline. J Oral Rehabil, 2020, 47: 651 – 658.

Melis M, Zawawi KH. Occlusal dysesthesia: a topical narrative review. J Oral Rehabil, 2015, 42: 779 – 785.

Reeves JL, Merrill RL. Diagnostic and treatment challenges in occlusal dysesthesia. J Calif Dent Assoc, 2007, 35: 198 – 207.

Robin O. Physiopathologie de la sensibilité occlusale. Implications pour l’équilibration occlusale. Les Cahiers de Prothèse, 2019, 47: 1 – 7.

Tamaki et al. Japan prosthodontic society position paper on occlusal discomfort syndrome. J Prosthodont Res, 2016, 60: 156 – 166.
 

 
Dernière modification : 26/06/2023
 
 
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