Yves BOUCHER
La douleur en 2023 – neurobiologie de la douleur
La définition de la douleur a récemment été modifiée par l’IASP (International Association for the Study of Pain), afin d’actualiser et d’accorder les notions scientifiques et médicales les plus récentes. Longtemps comprise comme une sous-partie du système somato-sensoriel extéroceptif, elle est maintenant intégrée au système homéostatique intéroceptif qui surveille l’état du corps et permet de maintenir un état d’équilibre optimal de l’organisme [1,2]. Cette redéfinition de l’intéroception est un changement conceptuel important qui impose cliniquement de reconsidérer les états douloureux comme des dysfonctionnements homéostatiques plutôt que des dysfonctionnements du système extéroceptif, c’est-à-dire du système dévolu au mouvement et à la position du corps dans l’espace. Ces deux systèmes ont des voies nerveuses spécifiques, mais interagissent, ce qui permet une optimisation des informations corporelles et une meilleure adaptation de l’organisme au monde environnant.
Cet exposé vise à présenter ces notions, en rapport avec la thématique du congrès, au travers des interactions douleur-fonction. Des exemples permettant de comprendre la clinique seront donnés.
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Références bibliographiques:
[1] Moreau N, Dieb W, Boucher Y. Physiologie de la nociception. Inf Dent 2018:28–40.
[2] Craig AD. A new view of pain as a homeostatic emotion. Trends Neurosci 2003;26:303–7.
Nathan MOREAU
Nerfs et muscles – une relation réciproque?
Les pathologies du système nerveux trigéminal (névralgies trigéminales, neuropathies trigéminales douloureuses post-traumatiques, névralgies post-herpétiques…) et celles impliquant la musculature cranio-cervico-faciale (myalgies masticatrices, syndrome myofascial…) représentent les principales étiologies de douleurs oro-faciales chroniques. Alors qu’elles sont séparées sur le plan nosologique et diagnostique dans les différentes classifications des douleurs oro-faciales (ICHD-3, ICOP-1…), l’expérience quotidienne montre que celles-ci sont en réalité liées, que ce soit sous la forme d’interrelations fonctionnelles ou de comorbidités douloureuses, à prendre en compte dans leurs traitements respectifs.
Sur le plan physiopathologique et clinique, la relation nerfs/muscles peut être conceptualisée selon 3 types d’interactions :
Nerfs > Muscles : répercussions musculaires des pathologies neuropathiques trigéminales (ex : myalgies massétérines pendant les crises de névralgie trigéminale…) ;
Muscles > nerfs : répercussions nerveuses périphériques et centrales des myalgies masticatrices (ex : signes dysautonomiques des syndromes myofasciaux…) ;
Nerfs <> muscles : atteinte concomitante du système trigéminal et des muscles masticateurs (ex : neuropathie trigéminale sensitivo-motrice, spasme hémi-facial…).
Cette présentation a pour objectif de faire une mise au point sur les différentes interactions fonctionnelles entre le système nerveux trigéminal et le système musculaire cranio-cervico-facial, illustrée par différents cas cliniques, avec une attention particulière portée aux répercussions sur la prise en charge des pathologies douloureuses de ces deux systèmes.
Jean Noël VERGNES
Dentisterie centrée sur le patient – prise de décision
L’occlusodontologie a toujours été une spécialité odontologique particulièrement sensible aux relations bidirectionnelles entre les troubles tissulaires de l’appareil manducateur et les expériences psychosomatiques vécues par les patients.
Le congrès 2023 du CNO a pour thème la « Douleur, Fonction, Adaptation », trois notions que nous savons très intriquées les unes avec les autres sur le plan tissulaire. Dans cette conférence, et en écho avec d’autres présentations de ce congrès, nous allons voir comment envisager ces notions non pas sur le plan biologique mais sur le plan biopsychosocial. Cette généralisation des perspectives diagnostiques et thérapeutiques à l’échelle du patient « en personne entière » permet de considérer simultanément l’ensemble des fonctions de l’appareil manducateur, et notamment les fonctions psycho-sociales.
Ainsi, nous allons voir comment structurer une consultation occlusodontique en évitant de tomber dans le piège de la hiérarchisation des fonctions. En abandonnant la notion « d’esthétique » au profit de celle plus large de fonction psychosociale, nous donnerons des pistes concrètes pour intégrer dans la pratique clinique une véritable démarche de prise de décision partagée.
Au prix de l’adoption du paradigme centré sur la personne dans l’approche clinique, il sera illustré comment le processus diagnostique et thérapeutique du modèle biopsychosocial permet de personnaliser l’accompagnement des patients (encapacitation et parcours de santé intégrée), et de réduire le stress professionnel (partage des responsabilités et limitation de la médecine défensive).
Alain WODA
Comment l’occlusion participe à la mastication
La fonction d’ingestion est vitale. Elle commence par une phase orale dont l’importance est souvent sous-estimée tant en clinique qu’en recherche. Cette communication s’attache à décrire les différents états possibles de la fonction masticatoire, d’abord dans des conditions de bonne santé orale puis en présence de situations occlusales modifiées par exemple par l’usure dentaire physiologique ou dégradées comme lors de modifications pathologiques ou thérapeutiques de l’occlusion. Ainsi sont définies capacité masticatoire avec ou sans adaptation compensatoire, et incapacité masticatoire ainsi que les techniques disponibles pour évaluer cette fonction.
Gérôme WATTS - Nicolas FOUGERONT
Équilibration occlusale prothétique et adaptation musculo-articulaire
Réflexion autour d’un cas clinique d’instabilité occlusale dans un contexte de douleur chronique et trouble somatoforme
Madame F, 46 ans, consulte en mars 2018 pour les motifs : douleurs de la mâchoire et une instabilité/inconfort occlusal « d’apparition récente » ; la patiente insiste pour que « l’on améliore les contacts de ses dents ». A l’anamnèse, les douleurs (EVA = 5/10, quotidiennes, durant plusieurs heures, spontanées et provoquées par la mastication), sont apparues durant l’été 2017 où un confrère a réalisé une équilibration occlusale qui « aurait aggravé l’inconfort occlusal ». Du point de vue psychosocial le score de l’EDAS est sévère. De plus, la patiente « rend responsable l’inconfort occlusal de sa dépression » (diagnostic psychiatrique : trouble somatoforme). À l’examen on note des myalgies des muscles masticateurs plus accentuées à droite, un dysfonctionnement lingual et une béance occlusale (contacts uniquement sur les premières et deuxièmes molaires). Les dents en inocclusion présentent pourtant des signes d’usures occlusales témoignant de leur fonctionnalité préalable. Les ATM sont normales. Diagnostic : myalgies chroniques des muscles masticateurs associées à dysfonctionnement lingual qui aurait déclenché/aggravé la béance occlusale dans un contexte de stress. La prise en charge a consisté en :
Alternance entre orthèse occlusale et rééducation linguale et maxillo-faciale pour soulager des myalgies et essayer de corriger le dysfonctionnement lingual.
Suivi psychiatrique (2017-2021) dont une hospitalisation (février-mars 2019)
Puis une équilibration occlusale pour diminuer l’importance de la béance et augmenter le confort, une fois la douleur levée. En 2022, on note une amélioration spontanée de la stabilité occlusale sans que le dysfonctionnement lingual soit complètement corrigé.
Du point de vue psychosocial : reprise progressive de son travail en 2021.
Goodacre CJ, Roberts WE, Goldstein G, Wiens JP. Does the Stomatognathic System Adapt to Changes in Occlusion? Best Evidence Consensus Statement. J Prosthodont. 2020 Dec 17. doi: 10.1111/jopr.13310
Bourdiol P, Hennequin M, Peyron MA, Woda A. Masticatory Adaptation to Occlusal Changes. Front Physiol. 2020 Apr 3;11:263. doi: 10.3389/fphys.2020.00263
Deborah FALLA
Évolution et rééducation des fonctions cervico-faciales